« Notre solidarité a besoin de partenariats solides »

Publié le par OverBlog

 

apaei enfants

 Au lendemain du redressement d’une gestion désastreuse de l’Association des parents et amis des enfants inadaptés (APAEI), Ali Redouane, président de cette association dévoile ses maux. Malgré le manque de moyens financiers et face aux lourdes charges, les projets ne manquent pas. Une demande d’audience avec le Premier ministre a été déposée et le Conseil de la Région ne réagit toujours pas.

 

 

Quel portrait dresseriez-vous actuellement à cette Association reconnue d’utilité publique ?

 

Ma première initiative était d’établir un diagnostic de l’état des lieux. Ce qui m’a permis de mettre la main sur les défaillances et les grandes lacunes qui entravaient la bonne marche de l’APAEI (Association des parents et amis des enfants inadaptés) qui a connu un historique mouvementé à cause d’une gestion calamiteuse dont la presse a longuement parlé et qui nous pousse jusqu’à présent à parcourir les enceintes des tribunaux. Pourtant, elle reste le berceau des ces enfants handicapés.

Depuis que les parents de ces enfants aux besoins spécifiques m’ont élu à la tête de l’association, reconnue par ailleurs d’Utilité publique, j’ai veillé avec l’aide de tous les intervenants et partenaires à sauver notre barque du naufrage.

Ma grande inquiétude était ces 400 enfants dont l’association a la charge, surtout que 80 % d’entre eux sont issus de familles démunies. Il s’agit là d’une véritable bataille sociale et humanitaire.

 

Comment a commencé la restructuration ?

 

De grands efforts ont été déployés par l’équipe que je dirige et les réalisations ont été à la hauteur du déploiement.

Par exemple, au niveau administratif, l’association est dotée aujourd’hui d’un organigramme très élaboré qui vise une définition précise des tâches à accomplir avec un manuel adéquat. La direction se compose de deux comptables, un responsable du service achat, un responsable de la facturation, un trésorier, un responsable de l’économat…

Pour renforcer cette structure, un expert comptable et un commissaire aux comptes ont été désignés, en plus une commission de contrôle interne. Ils travaillent tous en étroite collaboration avec l’équipe de la gestion financière. La nouveauté de cette gestion consiste au fait que l’équipe de la gestion est chapeautée par une directrice administrative qui veille sur la fluidité  de la communication et le respect des tâches en terme de qualité.

Quant au volet pédagogique et éducatif, j’ai dû revoir avec l’équipe spécialisée la structure adéquate qui se conforme aux besoins spécifiques de chaque catégorie des bénéficiaires. Une mise à niveau s’imposait, mis à part les quatre Centres existant. J’ai veillé aussi à la création de deux nouveaux Centres spécialisés, en l’occurrence, le Centre d’aide psychologique et éducatif des filles, qui s’inscrit dans une option de professionnalisme avancée et qui prend en considération les besoins profondément spécifiques de nos filles inadaptées.

Le deuxième Centre est celui de la thérapie et des loisirs, destiné aux enfants souffrant d’un handicap mental moyen associé des troubles de comportements.

Je dois souligner ici que ces deux Centres sont le fruit de plus de 37 ans d’expérience et de travail de toute une équipe de réflexion, composée d’une entité multidisciplinaire.

Nous avons assaini nos comptes et payé une partie de nos dettes.

A noter que chaque Centre est géré par un directeur qui jouit d’une autonomie très étendue.

 

- Quels ont été les problèmes que vous avez rencontrés ?

 

Le parc auto se place en premier. J’avoue ne pas trouver le mot pour décrire l’état dans lequel se trouvaient les autocars qui devaient transporter nos enfants. Catastrophique ? C’est peu dire. C’est pourquoi l’association a dû investir énormément. Quelque 900.000 DH en 2008 pour l’entretien et la mise sur rail du parc auto constitué de cinq autocars, quatre fourgonnettes et deux voitures utilitaires.

L’association a pu se doter aussi de trois nouvelles camionnettes, dont une offerte par l’INDH qui entretient de bonne relations avec nous. Les deux autres véhicules sont au compte de l’association. Nous attendons l’acquisition d’autres véhicules pour améliorer le transport des bénéficiaires dans des conditions humainement convenables. Notre parc auto couvre l’ensemble du territoire de la Wilaya.

Dans ce même volet, je dois souligner que notre association vient de bénéficier d’un don de nos amis rotariens qui consiste en un autocar en bon état.

 

Justement, côté relationnel, où en êtes-vous ?

 

Il faut dire que nous entretenons de bonnes relations avec nos partenaires. Grâce à ce partenariat, par exemple, avec le ministère du développement social, de la famille et de la solidarité, l’association a pu prendre en charge 200 bénéficiaires issus de familles nécessiteuses. A cet effet, je dois souligner le retard des primes de scolarité qui constitue un handicap majeur pour la gestion de l’association. Certes, à notre niveau, nous sommes conscients des efforts déployés par le ministère pour résoudre ce problème, toujours est-il le besoin des enfants inadaptés et du personnel qui les encadre est urgent et ne peut pas attendre.

Il faut aussi noter que la prime accordée par le ministère ne dépasse pas 900 DH par enfant alors que la prise en charge réelle dépasse 2.500 DH. La différence est évidemment supportée par l’association. Notre association a vraiment besoin d’un partenariat pour faire mieux fonctionner le Centre d’accueil de Dar Bouazza.

 

-        Quels sont vos autres partenaires ?

 

Nous avons un partenariat avec le ministère de la Santé qui a mis à notre disposition un médecin généraliste et un orthophoniste qui sont d’une grande utilité pour nous et nos enfants.

L’association accorde une grande importance aussi à la formation continue de son personnel. Dans ce sens, nous avons une étroite collaboration avec le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Nous avons un partenariat avec la direction de l’Entraide Nationale. Nous avons été les pionniers de l’application des mesures de la loi 14/05. Toujours est-il que nous prévoyons dans la tenue de nos réunions la présence d’un représentant de la Région qui doit toucher du doigt les dessous de nos problèmes. Malheureusement nos attentes se font longues et aucun représentant n’a répondu à nos perpétuels appels et invitations.

Cependant, lorsque je parle formation continue du personnel, je dois soulever un point fondamental. Celui de la C.N.S.S. Dans ma conception des choses, le personnel est mon premier partenaire, c’est pourquoi je suis dans l’obligation de veiller à ses intérêts et son bien-être. Notre association a été victime d’un grand détournement de fonds par l’ex-président, jugements à l’appui. Ce même président a détourné aussi les cotisations de la C.N.S.S. pendant des années jusqu’en 2005. D’ailleurs, ce problème fait l’objet d’autres poursuites judiciaires à travers lesquelles nous réclamons la restitution des sommes détournées. Côté CNSS, nous sommes frappés par le même barème que les entreprises alors que notre vocation est purement sociale et sommes reconnus d’utilité publique. Sachant aussi que le budget de l’association ne permet pas toutes ces charges. Nous sommes débiteurs et l’association ne pourra pas fonctionner avec toutes ces charges sur le dos. Sinon, nous serions dans l’obligation de tomber dans le piège du paradoxe : augmenter les prix des prises en charge au détriment de familles démunies. Chose que je refuse catégoriquement tout en nous inscrivant dans la ligne des instructions royales qui combattent la précarité et l’exclusion sociales. Pourtant, nous sommes arrivés à trouver un arrangement avec cette institution. Nous payons actuellement 50.000 DH d’arriérés et 39.000 DH de cotisations par mois. Ceci, en plus de la masse salariale qui est de 200.000 DH/mois. Sans parler du carburant, de l’assurance des véhicules et des frais divers.

 

-        Quels sont vos projets?

 

Nous avons reçu du matériel d’équipement des Centres de la ferme thérapeutique de Dar Bouazza. L’INDH y a contribué à hauteur de 400.000 DH, preuve d’un partenariat sans faille.

Deux projets de grande envergure sont sur le point d’être achevés. Il s’agit du C.A.P.E.F (Centre d’aide psycho-éducatif pour filles) qui vise l’extension du local existant afin d’atteindre une capacité d’accueil de 100 jeunes filles au lieu de 60 actuellement. Des démarches ont été entreprises auprès du gouverneur d’Ain Chock pour une visite du site.

Le deuxième projet concerne l’aménagement d’un Centre multidisciplinaire à la ferme thérapeutique de Dar Bouâzza. Il s’inscrit dans une optique de spécialisation et dans une approche qualitative. Nous avons reçu l’accord de l’INDH pour une contribution d’une valeur d’un million de dirhams. Là encore, nous attendons l’appui du ministère de tutelle pour parvenir à soutenir les enfants issus de milieux très défavorisés. C’est dire que nos projets sont tributaires de la confiance de nos partenaires. Une confiance basée sur la transparence et la fidélité que nous cultivons sans cesse.

 Que pensez-vous de votre mission?

 

Nous sommes fiers et heureux de nous trouver à l’avant –garde de cette cause noble et humanitaire, mais oh combien encore oubliée et marginalisée par la quasi- totalité de notre société, alors qu’au fond, elle devrait être la cause de nous tous et de tout un chacun. Cette cause est celle de l’enfance handicapée mentale à laquelle nous essayons d’obtenir le maximum d’aide et de soutien. C’est pourquoi nous cherchons un véritable partenariat avec l’Etat duquel nous ne pouvons nous séparer. D’où l’implication, au risque de me répéter, de tous les acteurs : La Santé, l’Education nationale, l’Emploi, la Famille, le Transport, la Justice…Les enfants aux besoins spécifiques sont une responsabilité commune. Il ne faut pas qu’on perde du temps, car chaque moment qui passe nous fait reculer. C’est pourquoi nous avons demandé audience au Premier ministre pour exposer nos problèmes. Car on ne comprend pas comment on peut accorder un budget de 7 milliards pour un Festival et ne pas soutenir une association de la taille de la nôtre.

Par ailleurs, à propos de l’implication de plusieurs départements dans l’action que nous menons. En ce qui concerne le ministère de la Justice, nous avons engagé plusieurs procédures, depuis 2003, pour escroquerie et détournements de fonds et de biens publics. Cela fait sept longues années. Le tribunal a rendu un arrêt condamnant, entre autres, l’ex-président à restituer la somme d’un milliard et demi. Nous attendons l’exécution de ce jugement. Les employés ont eux aussi porté plainte contre l’ancien bureau qui prélevait les cotisations à la CNSS et ne les versait pas. Ils attendent…C’est cette lenteur qui handicape nos efforts.

 

Publié dans Entretien

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